Machnouk, un électron libre qui fait grincer des dents au sein de son propre camp…

مقابلات مكتوبة 01 يناير 2010 0

Par Scarlett Haddad, L’Orient Le Jour

Nohad Machnouk insiste sur son appartenance au bloc « Liban d’abord » et sur son respect des communiqués qu’il publie.
Sa présence au déjeuner de Jahiliyé, entre l’hôte Wi’am Wahhab, l’invité principal Walid Joumblatt et les représentants du CPL et du Hezbollah était assez étonnante, mais le député Nohad Machnouk, membre du bloc « Liban d’abord », aime se distinguer de ses collègues, au sein du même bloc. D’ailleurs, aussi bien son passé que ses prises de position sont différents des leurs, même s’il insiste sur son appartenance à ce bloc et sur son respect des communiqués qu’il publie. « Mais appartenir à un même bloc, précise-t-il, ne signifie pas penser de la même façon et avoir les mêmes opinions. Au sein de notre bloc, il existe d’ailleurs un véritable débat. » Il révèle ainsi que, depuis la désignation de Saad Hariri à la tête du gouvernement d’union, le bloc s’est posé la question suivante : est-il indirectement une partie du gouvernement ou bien reste-t-il un bloc parlementaire ? Il a finalement été convenu de conserver son rôle de bloc parlementaire et de garder ainsi une certaine liberté dans les prises de position. C’est aussi dans ce cadre que Machnouk inscrit les déclarations pas toujours « dans la ligne politique officielle du Premier ministre », faites de temps à autre par certains députés du bloc. « Nous ne sommes pas un parti hiérarchisé, insiste-t-il. Chaque membre du bloc a le droit de s’exprimer selon ses convictions. » Machnouk rejette les accusations portées contre certains de ses collègues d’être influencés par les services égyptiens ou autres. « Certains médias ont dit cela (entre autres de l’ancien ministre Ahmad Fatfat), mais c’est faux. Fatfat représente une région dans laquelle sa famille est enracinée. Il a sa vision et ses opinions », dit-il. Machnouk rappelle avec humour que des rumeurs similaires circulent aussi sur son compte, mais il n’en a cure, car, selon lui, elles sont véhiculées par ceux qui ne conçoivent pas la liberté de pensée.
Or, la liberté de pensée, c’est justement une valeur à laquelle il tient par-dessus tout. Si sa présence au déjeuner de Jahiliyé a donc fait grincer des dents au sein de son propre camp, il ne regrette rien, expliquant qu’il avait deux raisons pour répondre à cette invitation. D’abord, à partir du moment où les Libanais ont décidé de se parler entre eux et de parler avec leur voisin, il ne voit pas de raison d’exclure certains de cette tendance. « Il ne doit plus y avoir d’interdits de ce genre », affirme-t-il. Et la seconde raison est que l’ancien ministre Wi’am Wahhab est un ami de longue date, qui s’est tenu à ses côtés au cours de la pire période, lorsque les autorités syriennes avaient demandé à Rafic Hariri (dont il était un des principaux conseillers), alors Premier ministre, de l’éloigner. D’ailleurs, précise-t-il, Wahhab a payé le prix de sa position par des années de disgrâce syrienne. Cette page est désormais tournée (pour tous les deux), mais Machnouk a la reconnaissance tenace… Son passé mouvementé avec Damas ne l’a pas empêché de se rendre lui-même en Syrie trois mois auparavant et de faire partie de ceux qui appelaient Saad Hariri à en faire de même. « À partir du moment où il est devenu Premier ministre, il ne peut que se rendre en Syrie, dit-il. Il représente désormais le Liban, et l’intérêt du pays passe avant toute autre considération. »
Tout en émettant des réserves sur la forme (il aurait préféré que Hariri se fasse accompagner d’une délégation importante), il reconnaît que, dans sa « forme allégée », la visite a eu de meilleurs résultats que si elle avait respecté le protocole officiel. Selon lui, ce sont les autorités saoudiennes qui ont mis au point les détails de la visite qui a permis une normalisation du dialogue entre Damas et Beyrouth. « Tous les dossiers, qui étaient tabous il n’y a pas si longtemps encore, ont été évoqués, et les échanges ont pris un cours normal, dépassionné », souligne-t-il.
Selon lui, est-il encore possible, après une telle visite, que Bachar el-Assad soit accusé de l’assassinat de Rafic Hariri ? Machnouk répond que l’enquête est entre les mains du TSL et Saad Hariri a décidé de dissocier cette affaire des relations libano-syriennes. Pour le reste, en tant que fils de Rafic Hariri, il peut décider de donner un blanc-seing au président syrien, il est après tout le premier concerné…
Au déjeuner de Jahiliyé, Wahhab l’a installé aux côtés de Walid Joumblatt qu’il avait violemment critiqué après son discours du 2 août. « Nous nous sommes expliqués, déclare Machnouk. Je ne m’oppose nullement aux objectifs recherchés par Walid Joumblatt, mais seulement à la manière adoptée. Mais je suis toujours en admiration devant son cerveau politique… »
Autre présence « anachronique » au déjeuner de Jahiliyé, celle du ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud que le bloc « Liban d’abord » n’a pas ménagé dans la foulée de l’explosion de Haret Hreik. Nohad Machnouk affirme avoir évoqué cette question avec Baroud, assurant qu’il n’existe aucun contentieux personnel entre le bloc et la personne du ministre. « Mais il n’est pas normal que les autorités concernées n’aient publié aucun communiqué sur cette affaire. Les citoyens ont le droit de savoir ce qui s’est passé », dit-il. Mais les autorités concernées ne seraient-elles pas plutôt le parquet ou le ministère de la Justice ? « En termes de droit peut-être, mais pour les gens, c’est le ministère de l’Intérieur le premier responsable de la sécurité. » Machnouk dément que les attaques du bloc contre Baroud soient liées aux prochaines nominations et à la volonté supposée de Baroud de changer le directeur général des FSI, le général Achraf Rifi. Selon lui, en dépit du tapage médiatique, l’affaire des nominations administratives sera réglée rapidement, avec le moins de changements possible. Il suffit qu’un responsable déclare qu’il tient au maintien de tel directeur général pour que les autres l’imitent. En fait, tous préfèrent pour l’instant ne pas provoquer de vagues.
Revenant sur l’explosion de Haret Hreik, Nohad Machnouk estime qu’elle pose un gros problème : que fait donc une charge explosive dans un quartier résidentiel ? Comment y est-elle arrivée ? S’agit-il d’une erreur de manipulation ou d’un attentat contre le Hamas, et derrière cette explosion est-on en train de transformer de nouveau le Liban en un terrain d’action militaire ? Toutes ces questions méritent, selon lui, une réponse, et le plus tôt serait le mieux.
Nohad Machnouk critique aussi le discours de sayyed Hassan Nasrallah à l’occasion de la commémoration de la Achoura. Selon lui, son conseil aux chrétiens était déplacé et la situation des chrétiens du Liban ne peut en aucun cas être comparée à celle des chrétiens d’Égypte ou d’Irak. Il exprime aussi son désaccord avec le chef des Forces libanaises Samir Geagea (qu’il a aussi rencontré il y a quelques jours) au sujet d’une guerre israélienne au cours des six prochains mois. Machnouk est convaincu qu’Israël n’est pas en mesure de lancer une telle guerre, qui, de plus, exige un feu vert américain. Or un tel feu vert n’est pas envisageable dans un proche avenir, d’autant que les Américains préparent un nouveau document pour la relance du dialogue israélo-palestinien.
En somme, Machnouk, qui revendique son passé de journaliste et d’observateur politique, estime que le Liban va mieux que son environnement, où tout bouge sans que nul ne puisse préciser la direction que va prendre le vent..