Depuis le 7 mai 2008, nous vivons sous la menace. C’est fini maintenant !

مقابلات مكتوبة 23 نوفمبر 2011 0

Par Scarlett Haddad, l’orient le jour

« Respecter la volonté du peuple et le verdict des urnes », tel est le mot d’ordre du député Nohad Machnouk. C’est sur lui qu’il se base pour estimer que quel que soit le sort du régime syrien, son rôle ne sera plus le même au Liban et sur la scène régionale. C’est aussi sur ce leitmotiv qu’il se base pour justifier son acceptation du leadership de Saad Hariri.
Électron libre, Nohad Machnouk est fier de son indépendance d’esprit qui lui avait permis lors de la formation du gouvernement Mikati de refuser toute trêve même tacite avec le Premier ministre, préférant réclamer dès le début son départ et la démission des ministres du Hezbollah. Il avait d’ailleurs prononcé au Parlement, lors de la séance du vote de confiance, le discours le plus virulent, avant de disparaître pendant près de quatre mois parce que le bloc du Futur n’avait pas encore choisi la confrontation sans merci. Aujourd’hui, il fait sa réapparition dans les médias, convaincu que, désormais, le bloc auquel il appartient est plus proche de son point de vue. Sa position est simple : le gouvernement Mikati ne peut plus tenir la route et l’heure de son départ approche, dicté par le dossier du financement du TSL, devenu très urgent.
Dès qu’on l’interroge sur sa réapparition sur la scène médiatique, Nohad Machnouk précise que quatre mois, c’est largement suffisant pour faire ses preuves. Or il est désormais clair, selon lui, que le gouvernement Mikati ne pourra rien faire, car « il est venu avec un cahier des charges très précis : saboter le TSL, protéger les armes du Hezbollah et, plus récemment, protéger le régime syrien. Il est aussi formé de trois groupes : les ministres qu’il qualifie de revanchards (essentiellement aounistes), les ministres qui gèrent le fonctionnement (Hezbollah) et les ministres qui, à ses yeux, sont impuissants (centristes).
De par le contexte dans lequel il a été formé et en raison de sa composition, ce gouvernement, estime Nohad Machnouk, ne peut même pas prendre des décisions qui concernent le quotidien des citoyens. « Il a par contre adopté deux décisions qui le placent en confrontation avec la communauté internationale et avec les pays arabes. Il a ainsi montré son incapacité après la publication de l’acte d’accusation du TSL et son vote en faveur du régime syrien l’a placé en porte-à-faux avec 18 pays arabes. Ce vote n’entraînera sans doute pas des représailles de la part des pays arabes qui ont voté en faveur de la suspension de la participation de la Syrie à la Ligue arabe, mais le Liban s’est quand même placé au niveau du Yémen, le seul autre pays à avoir voté contre le texte. »
Nohad Machnouk ne croit pas d’ailleurs à une « contagion syrienne » au Liban. Selon lui, la situation intérieure est sous contrôle, car elle ne dépend ni de Nagib Mikati ni de parties locales. De toute façon, le député est convaincu qu’il ne faut plus céder à la menace sécuritaire. « Depuis le 7 mai 2008, nous vivons sous cette menace, c’est fini maintenant », déclare-t-il. Il ajoute que le Hezbollah a ses propres calculs internes et sa priorité est aujourd’hui de chercher comment limiter les dégâts au cas où le régime syrien disparaîtrait. Si, par contre, le parti chiite se lançait dans une opération militaire intérieure pour compenser la chute du régime syrien, il deviendrait comme lui, un régime qu’il faut renverser, ajoute-t-il. Nohad Machnouk reste donc convaincu que le Hezbollah ne ripostera pas militairement et que la meilleure solution consiste à établir avec lui un dialogue qui permettra une intégration progressive de ses armes au sein de l’appareil de l’État.
En d’autres termes, le député reste optimiste quant à l’avenir du 14 Mars, du Liban et de la région. Il se dit convaincu que le changement arabe va dans le sens d’accorder plus de place à la volonté populaire. Nohad Machnouk divise les pays de la région en quatre catégories : la première regroupe les pays qu’il qualifie de « purs » (sur le plan de la coloration confessionnelle). Il s’agit en particulier de l’Égypte, de la Tunisie, de la Libye et de l’Algérie où un changement total de régime était nécessaire. La seconde catégorie regroupe les « pays mixtes » auxquels une chance de procéder à des réformes internes est donnée (la Syrie et le Soudan). La troisième catégorie regroupe les monarchies qui se dirigent vers des monarchies constitutionnelles, mais par le biais d’un processus assez long et, enfin, la dernière catégorie regroupe, selon lui, les pays où il existe une alternance acceptable du pouvoir. Il s’agit du Liban, de la Turquie et d’Israël, où il ne devrait rien se passer.
À partir de cette catégorisation, Nohad Machnouk estime que quelle que soit l’évolution de la situation en Syrie, celle-ci ne sera plus un joueur principal au Liban, en Irak, en Jordanie et en Palestine. Au contraire, la Syrie est devenue à ses yeux une scène régionale. « La lutte se fait autour de la Syrie et sur son territoire. En somme, même si le régime syrien reste en place, sa politique régionale ne sera plus la même », précise Nohad Machnouk. Et lorsqu’on lui demande si c’est là la raison de son optimisme pour le 14 Mars, il précise que cette situation nouvelle bénéficiera à tout le Liban. Il est aussi convaincu que les régimes arabes nouveaux ne seront pas forcément islamistes, car les courants islamistes ne sont pas majoritaires, même s’ils vont devenir une composante des nouveaux pouvoirs. En tout cas, il pense que ce sera désormais aux peuples de choisir et qu’il faudra s’incliner devant leur choix.
Nohad Machnouk balaie d’un geste les théories sur l’existence d’un complot américain et occidental contre la Syrie. Selon lui, même si le président syrien décide de faire la paix avec Israël, la révolution populaire se poursuivra, car la contagion égyptienne est bien plus importante qu’on ne le croit. Il y a donc eu, selon lui, un soulèvement populaire sur lequel, dans certains cas, d’autres plans se sont greffés dans une tentative de les utiliser, mais il ne faut surtout pas sous-estimer la grogne populaire. Le député précise que la situation en Syrie devrait évoluer dans le sens de la création d’une zone tampon à la frontière turque et qu’une intervention internationale deviendra une revendication généralisée. Les grands bouleversements qui attendent les pays de la région devront donc avoir un impact positif au Liban, estime Nohad Machnouk, qui ajoute qu’il est donc temps de rompre la trêve tacite avec le gouvernement. « D’autant, dit-il, que le Hezbollah adopte des positions de principe alors que le 14 Mars s’est laissé entraîner dans les détails. Après tout, ce camp qui a lutté et donné des martyrs pour obtenir le TSL a le droit d’exiger son financement. Je suis convaincu que le gouvernement actuel sera bientôt contraint de démissionner. Il y aura une période de vacance pendant laquelle il sera chargé de gérer les affaires courantes et, ensuite, un gouvernement de technocrates sera formé. » Nohad Machnouk dément toute rivalité avec le chef du bloc parlementaire du Futur Fouad Siniora. Selon lui, ce dernier a été élu par les députés, alors que lui reste convaincu de sa place en tant que membre de ce bloc. « D’autant, précise-t-il, que cette expérience est satisfaisante, en raison du débat libre qui s’y déroule en permanence. » Tourné vers l’avenir, il se défend de capter des signaux extérieurs pour agir. « J’ai ma propre lecture des événements et c’est sur celle-ci que je base mes actes. Parfois, mes collègues ne sont pas convaincus. »
Nohad Machnouk ne le dit pas, mais il n’est pas mécontent d’être celui qui se distingue, surtout si les développements lui donnent raison…